Délais de remboursement d'une assurance-vie par la Caisse d'Épargne et la CNP
Une infinie complexité des assurances-vie
Pour le commun des mortels, une assurance-vie exonère des droits de succession. En fait, les règles sont infiniment complexes et ont évolué. Pour y trouver avantage, il faut à la fois être riche (succession de plus de 100 000 € en ligne directe), malin, et agir avant 70 ans.
Les lois sont votées en toute irresponsabilité par rapport aux coûts de gestion et aux délais qu'elles entraînent.
Les avantages fiscaux "assurance-vie" incitent à l'épargne et la bloquent, alors que le gouvernement aimerait relancer la consommation. La solution est de les supprimer.
Décès 2012, 6 mois de démarches
En mars 2012, jour "J" : Date du décès ouvrant droit, pour les 4 enfants du défunt, à une assurance-vie.
J+10 : Après plusieurs appels infructueux, il est demandé d'écrire pour obtenir un rendez-vous !
J+30 : Premier rendez-vous obtenu difficilement. L'employé accepte le dossier qui lui est remis sans formuler de réserves.
J+55 : Les RIB fournis sont perdus puis retrouvés...
J+75 : Demande d'information sur les délais. L'employé indique que le dossier a été transmis en J+58 au service concerné. Le paiement devrait intervenir, au mieux 5 semaines après cette date.
J+95 : L'attestation de notoriété faite en mairie est jugée insuffisante, une attestation faite par un notaire est demandée. Celle-ci est envoyée le jour même par mail. Conséquence : le paiement est retardé de 5 nouvelles semaines.
J+130 : 3 enfants reçoivent leur virement. La photocopie de la carte d'identité du 4ème ayant été perdue, celui-ci doit la renvoyer "certifiée conforme" (un mail ne suffit pas). On lui indique qu'il devra patienter 5 semaines de plus.
J+170 : le dernier paiement est enfin effectué.
Bien sûr, à partir du décès, l'assurance-vie ne rapporte plus aucun intérêt.
Demande d'intérêts de retard
Une première réclamation a débouché sur la reconnaissance d'un mois de retard anormal sur le paiement arrivé en J+170 (un chèque de 32 € d'intérêts était joint). Pour le reste, il est expliqué que le dossier n'était complet qu'en J+95, et que le délai légal de un mois à compter de cette date a été respecté.
Le médiateur de la Caisse d'Épargne a alors été saisi. Il lui était notamment dit : "La succession de retards et l'annonce systématique d'un nouveau délai d'attente de 5 semaines quand un papier perdu est à nouveau fourni ne peuvent s'expliquer que par une volonté délibérée de différer le remboursement. Par un salarié d'une autre Caisse régionale, il m'a été dit que les manœuvres dilatoires, dont la perte de documents fournis, sont une pratique généralisée.".
La Caisse d'Épargne a alors accepté de majorer de 241 € l'indemnité de retard, la calculant sur la base d'un dossier complet remis en J+30. Sa réponse précise : "il n'est nullement dans l'intérêt de la Caisse d'Épargne de faire obstruction à quelque paiement que ce soit... Un rappel a toutefois été effectué à l"agence et à la Direction du Groupe concernant les procédures de traitement de ce type de dossier afin que ce type de dysfonctionnement ne se reproduise.
Je crains que ce rappel ne soit pas plus efficace que la promesse d'une indemnité de retard, non reçue 3 mois plus tard...
Quelle leçon en tirer ?
L'article L132-23-1 du code des assurances (loi n°2007-1775 du 17 décembre 2007 – art. 2) indique :
Après le décès de l'assuré ou au terme prévu par le contrat et à compter de la réception des pièces nécessaires au paiement, l'entreprise d'assurance verse, dans un délai qui ne peut excéder un mois, le capital ou la rente garantis au bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie. Au-delà de ce délai, le capital non versé produit de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois puis, à l'expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal.
On peut anticiper des difficultés prévisibles en envoyant le dossier complet de demande de remboursement d'une assurance-vie par lettre recommandée avec AR, et en demandant, au cas où le remboursement ne serait pas effectif dans le délai d'un mois, d'ajouter les intérêts prévus par la loi. Mais le taux légal est très faible...
Autre décès en 2020
La relation avec la Caisse d'épargne (la banque) commence bien : elle indique clairement quels documents envoyer à la CNP (l'assureur). Puis, le client doit se débrouiller avec la CNP.
En pratique, c'est moins clair. La CNP ignore l'existence du mail et d'internet. Tout se fait par courrier et de manière anonyme (pas d'interlocuteur client). La Caisse d'Épargne reste dans le circuit, ce qui conduit à tout envoyer en double (à la CE par mail et à la CNP par courrier).
Le problème, c'est que l'imprimé 2705-A-SD fourni par la CNP deux mois après le décès doit être envoyé signé au fisc par chacun des 6 héritiers. Le fisc doit alors délivrer une attestation certifiant qu'on ne lui doit rien pour que l'assurance-vie puisse être payée. Je suppose que le défunt pourrait avoir des dettes impayées. Il n'y avait pas cette contrainte en 2012. Le fisc est saturé, les banques indiquent des délais pouvant aller jusqu'à six mois.
Au final, le fisc a mis 3 mois à donner son feu vert, et l'assurance-vie a été payée six mois après le décès. Soit quatre mois de plus que pour le reste de la succession.
Heureusement, c'était un cas facile : pas de notaire (il aurait fallu sans doute attendre 3 à 6 mois de plus, et payer ses honoraires) et les six héritiers s'entendent bien.