Bible / Autres Marc, Luc, Jean / Se convertir (Lc 3,7-14)
16 décembre 2012

Comment échapper à la colère qui vient ?

7 Jean disait aux foules qui arrivaient pour se faire baptiser par lui : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?
8 Produisez donc des fruits qui expriment votre conversion, et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes : 'Nous avons Abraham pour père'. Car je vous le dis : avec les pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham.
9 Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. »

Engeance de vipères

Jean-Baptiste commence fort : Engeance de vipères ! Si Matthieu (Mt 3,7) présente cette parole comme visant les pharisiens et les sadducéens, pour Luc elle s'adresse à tous !
Nous sommes les fils du serpent (Gn 3).
Nous voyons bien la colère qui vient, la pauvreté, la guerre, la crise... aujourd'hui comme hier. Et nous aimerions y échapper.
Jean ne conteste pas ce désir. Il pose la question : d'où vient ce désir ? Qui vous a appris... ?

Toutes les souffrances qui nous accablent... n'est-il pas évident de désirer qu'elles cessent ?
Comme ceux auxquels Jean s'adresse, nous sommes de bons chrétiens. Nous lisons la Bible, nous la mettons en pratique avec intelligence et générosité, espérant soulager les souffrances des autres. Nous avons Abraham pour père.
Qui vous a appris... ? Quelle question bizarre, décalée par rapport à ce qui nous préoccupe !
Qui ? Le Père du Ciel ou celui qui rampe sur la terre ? Dieu ou diable ?

Il est vrai que depuis 2000 ans, nous ne produisons pas de bons fruits. On pourrait même dire que tout va de mal en pis.
Serions-nous ces arbres dont Jean annonce qu'ils seront coupés et jetés au feu ?

Alors, que devons-nous faire ? Nous avons tout essayé, et rien ne réussit. La question répétée trois fois est bien la nôtre. Non pas celle des pharisiens, mais celle de ceux qui reconnaissent avoir besoin d'un sauveur.

Que devons-nous faire : les foules

La réponse faite à la foule invite Celui qui a deux vêtements à partager. Quels sont ces deux vêtements ?
La première occurrence du mot vêtement dans la Bible fait suite à l'histoire du serpent : Le Seigneur Dieu fit à l'homme et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit (Gn 3,21).
Où chercher le second ? A moins qu'il ne soit déjà donné (à l'humain et à sa femme) ?

Isaïe précise l'images des noces et des vêtements : Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m'a enveloppé du manteau de l'innocence, il m'a fait revêtir les vêtements du salut, comme un jeune époux se pare du diadème, comme une mariée met ses bijoux (Is 61,10).

Dans son évangile, Luc utilise deux autres fois la même image (même mot) : A celui qui te frappe sur une joue, présente l'autre. A celui qui te prend ton manteau, laisse prendre aussi ta tunique (Lc 6,29).
N'emportez rien pour la route, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent ; n'ayez pas chacun une tunique de rechange (Lc 9,3).

Dans les actes, les veuves en larmes montrent à Pierre les tuniques et les manteaux que Tabitha faisait quand elle était avec elles (Ac 9,39). Qui sont ces veuves ? Qui est cette morte qui distribuait des manteaux (de noces ?) et qui ressuscite ?

St Paul utilise plusieurs fois l'image du vêtement : Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière (Ro 13,12).
il faut que ce qui est mortel revête l'immortalité (1 Co 15,53).
Actuellement nous crions notre souffrance, à cause de notre ardent désir de revêtir notre demeure céleste par-dessus l'autre, si toutefois le Seigneur doit nous trouver vêtus de notre corps, et non pas dévêtus. En effet, nous qui sommes dans cette demeure, nous sommes accablés et nous crions notre souffrance, car nous ne voudrions pas nous dévêtir, mais revêtir un vêtement par-dessus l'autre, pour que notre être mortel soit absorbé par la vie (2 Co 5,2-4).
Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ (Ga 3,27).
Et enfin : Revêtez l'équipement de Dieu pour le combat, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du démon (Ep 6,11).

La foule qui demande "que devons-nous faire ?" serait-elle en route pour devenir une foule immense... debout devant le Trône et devant l'Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main (Ap 7,9) ?

Le baptisé, qui a revêtu le Christ se nourrit de la Parole. Celui qui a de quoi manger, qu'il partage de même !

Les vêtements sacerdotaux du prêtre pourraient bien être le signe qu'il se revêt du Christ pour partager la Parole / le Pain eucharistique.

Que devons-nous faire : des publicains

La réponse ne suffit pas aux publicains. Ce sont des hommes d'argent. Que doit faire le baptisé riche ? Changer de vie, quitter le monde de l'argent ? Partager sa fortune comme il partage la Parole ? La question pourrait traduire un désir de perfection.
Jean précise à leur intention : « N'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
Fixé par la hiérarchie comprennent certains. Il ne serait pas demandé aux banquiers de quitter leur métier, mais de respecter l'ordre établi, en évitant d'ajouter des malversations à l'injustice structurelle. Pas besoin de se remettre en cause, Ouf !

Une traduction plus littérale pourrait être : « Ne faites rien de plus que ce qui vous a été ordonné ». Pas d'initiatives donc, soyez aux ordres... mais de qui ? La hiérarchie financière, c'est mammon, c'est le serpent. Il ne peut pas s'agir de lui obéir !
Quand la Bible utilise une tournure passive, Dieu en est souvent l'acteur.
Le combat sur le terrain de l'argent dépasse les forces humaines. Le seul chef (la seule tête) capable de vaincre, c'est le Christ.
Ne rien faire qui ne me soit demandé : l'écoute est donc première. Puis le discernement : qui parle ? Enfin, l'obéissance confiante.

C'est l'attitude que j'essaye d'apprendre en rédigeant le présent site. Parfois, la "justesse" d'une page en est le fruit perceptible. Deo gratias !

Que devons-nous faire : des soldats

Après les financiers, voici les militaires. Peut-on vivre son baptême et employer des armes pour faire un monde plus juste, ou simplement se défendre ? La fin (la paix, la liberté) justifie-t-elle les moyens (violents) ?
Le contexte où écrit Luc est celui de la pax romana, imposée aux juifs de manière infiniment brutale. Israël a été dévasté, le temple de Jérusalem détruit. Beaucoup se sont battus contre les soldats romains. Et voilà que certains d'entre eux deviennent chrétiens.
La première consigne est : Ne faites de violence à personnes, littéralement, n'extorquez personne (un verbe inusité ailleurs dans la Bible). Demander la non-violence à des soldats, c'est pratiquement demander qu'ils deviennent objecteurs de conscience !
A travers les soldats, c'est notre violence qui est visée. Ou plutôt, notre tentation d'user de la force pour "obliger" autrui à faire ce que nous pensons juste.

Jean précise en demandant de ne faire de tort à personne, littéralement de n'accuser à tort personne. Ce verbe est utilisé en Gn 43,18 par les frères de Joseph qui craignent d'être accusés à tort de vol. Un clin d'oeil pour nous inviter à relire cette histoire de pardon ?

Enfin, Contentez-vous de vos soldes, c'est à dire de ce qui vous est donné. Ne cherchez pas à obtenir plus par la force.

Ce qui est impossible à l'homme, Jésus va l'accomplir. C'est lui et lui seul qui affronte le diable au désert (Lc 4). Par trois fois, il est tenté de suivre le bon sens humain : changer des pierres en pain, être le maître du monde, forcer l'adhésion par une action extraordinaire. Trois fois, il refuse pour ne se fier qu'en Dieu seul.
Cette "logique" céleste le mène à la croix. Quelle conversion pour notre vision terrestre du monde !

Cette conversion nous fera-t-elle échapper à la colère qui vient ? Poser encore la question, c'est ne pas être converti !