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MàJ 28 septembre 2014

Mariage pour tous

Pourquoi "non" au projet de loi

Face à une multitude d'arguments, j'ai trouvé intéressant (mais pas si facile) de justifier mon point de vue en quelques lignes dégageant l'essentiel de ce qui est périphérique.

Pour moi, le projet de loi change le sens du mot mariage.
  1. Au plan biologique, la distinction des sexes et la manière naturelle d'avoir des enfants sont relativisées. Non seulement l'homme ne respecte plus les lois de la nature, mais il fait en sorte que ces lois quittent le champ linguistique et donc ne soient plus audibles.
  2. Au plan social, les notions de père, mère et filiation sont bousculées. Le droit de l'enfant d'avoir un père et une mère est nié.
    On fait l'impasse sur des conséquences juridiques d'une effroyable complexité. Un enfant pourrait avoir un père biologique anonyme, une mère porteuse, deux "pères" adoptifs... qui pourraient se séparer...
    Le "mariage pour tous" est un "mariage pour chacun", fondé sur de fragiles sentiments ou attirances.
  3. Au plan spirituel (ce plan n'étant pas accessible à la plupart et donc hors débat public), c'est un symbole fort de l'Alliance féconde du féminin et du masculin, du ciel et de la terre, qui n'est plus audible.

Il y a des unions homosexuelles, des amants, des concubins, des pacsés, des ménages à trois, des "compagnes ou compagnons", des fiancés... Chacun peut vivre le type d'union qui lui plaît à condition de la nommer en vérité. L'État peut organiser le juridique et le fiscal comme il l'entend.
Mais le mot mariage est porteur de sens depuis des siècles et dans la plupart des civilisations. C'est une référence, par rapport à laquelle d'autres types d'unions peuvent se comparer, dire leurs différences.
En changeant le vocabulaire, en disant que tout est "mariage", on est dans la confusion, la perte de tout repère.

Le mariage est d'une autre nature qu'une union homosexuelle. Peut-être F Hollande (non marié) ne comprend-il pas en quoi. Même sans comprendre, il n'a pas le droit de changer le sens des mots, il doit respecter ceux (toutes les religions...) qui disent que quelque chose d'essentiel est en cause.
La solution peut être pratique (aménager le régime juridique du pacs...), elle ne peut pas toucher au symbolique, à la référence, et par là à la capacité de réfléchir, de se situer.

L'enjeu : une vision de l'homme

La société évolue en profondeur depuis la "libéralisation" permise par la contraception (loi Neuwirth, fin 1967). Il est devenu possible de satisfaire sans entraves ses envies.

L'Église, en s'y opposant, apparaît ringarde. Son point de vue se fonde sur la Bible : Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » (Gn 1,27-28).
La vraie liberté, c'est de devenir les maîtres de ses animaux intérieurs, de ses passions. C'est une chemin exigeant, sur lequel le Christ (Verbe, Parole biblique) nous accompagne. Comment dire cela à une société laïque ?

La législation accompagne et encourage la libéralisation des mœurs. La moitié des couples divorcent. Le quart des grossesses s'achève par un avortement (gratuit). Le Sida fait des ravages.

Et cela continue. Une circulaire de Vincent Peillon aux recteurs (janvier 2013) met en garde contre les discours homophobes. Elle soutient la campagne d'éducation sexuelle menée par la "ligne azur" (En septembre 2014, un rapport du conseil d'État estime que la ligne azur n'a pas sa place à l'école : Cette démarche est en contradiction avec la neutralité de l'école et la liberté de conscience. Le rapporteur a aussi invoqué la morale publique à propos de la présentation de la drogue, de la pédophilie, de l'éloge du sadomasochisme et du libertinage). Sous couvert de tolérance, les jeunes sont invités à faire des expériences pour découvrir leur orientation, leur identité sexuelle ! L'insistance sur les précautions à prendre (préservatifs gratuits...) éclipse la question du sens. Le bonheur devient la jouissance.

D'un côté, on se scandalise de certains comportements (DSK, viols, pédophilie). D'un autre, on développe des fantasmes (publicité érotique...). Satisfaire ses envies est à la fois interdit et encouragé ! Le paradis sexuel rêvé se révèle inaccessible, l'amour physique a un goût de cendre. Les jeunes sont privés de repères, déboussolés.

Les dégâts sociaux conséquences des familles décomposées et recomposées sont à la fois considérables et niés. Il n'y a jamais eu autant de familles monoparentales en situation de détresse que l'État doit secourir, de jeunes délinquants pour lesquels on construit des prisons.
Dans la même logique, l'euthanasie devient l'issue normale pour éviter la souffrance. Les embryons deviennent des objets utilisables pour tester des produits de beauté. Quelle est donc cette "logique" qui à la fois refuse le racisme... et tue les faibles ? Qui veut la vie... en donnant la mort ?

La mentalité laïque, qui est aussi celle de l'Europe, se veut créatrice à la place du Créateur. Selon elle, la science est capable de faire un surhomme, maître de lui au point de choisir son sexe et d'en changer à volonté (théorie du genre). Les homosexuels auront des enfants comme les autres (PMA, GPA). Mais en niant la vocation divine de l'être humain, elle le coupe en deux. Il ne reste qu'une bête, un ego incapable d'aimer.

Au plan individuel, il est plus difficile de recevoir que de donner. J'entendais chanter lors du lavement des pieds de ce jeudi saint : "Seigneur, donne-nous de servir nos frères comme tu les sers". Quel chemin à parcourir pour passer de cette attitude aux accents pharisiens à celle du publicain pécheur qui accepte que le Christ lui lave les pieds ! La mentalité laïque du surhomme est aussi dans nos églises.

Manifestations des 17 novembre 2012 et 13 janvier 2013

Ce qui vient d'être dit montre l'importance des enjeux. Le "mariage pour tous" est une étape décisive dans un processus de destruction de l'être humain. J'ai exprimé mon désaccord en me joignant aux manifestations.

En 3 mois, la réflexion s'est approfondie. De toutes parts (religions, juristes, philosophes...), des voix se sont élevées pour dire "non" avec des arguments forts.

A lire sur le mariage homosexuel
Gilles Bernheim, grand rabbin de France

Elisabeth Guigou, ministre sous le gouvernement Jospin, sur le PACS et le mariage (discours de 1998).
Pierre-Olivier Arduin : études statistiques biaisées des lobbys homosexuels sur l'épanouissement des enfants.
Sylviane Agacinski, philosophe, épouse de Lionel Jospin.

Hélas, le gouvernement est resté sourd. L'importance des manifestations a été niée. Un référendum a été refusé. Malgré 700 000 signatures, le CESE a botté en touche.
L'élection de F Hollande valait soi-disant acceptation du 31ème point de son programme, il n'y avait plus à discuter !
Les médias ont souvent ridiculisé le point de vue des opposants, les taxant d'homophobes. La préparation de la manifestation du 24 mars a été entravée par le refus tardif d'utiliser les Champs-Élysées.

Manifestation du 24 mars 2013

L'autisme insupportable du gouvernement a fait monter le ton.
Selon le processus de rivalité mimétique bien décrit par René Girard, la discussion sur l'objet du désaccord s'est transformée en dispute des uns contre les autres.
Les politiques de droite se sont invités. On a critiqué la gauche, le gouvernement, la police.
Au lieu de traiter le sujet au fond, ce qui aurait mis en lumière les failles du projet gouvernemental, les médias friands de spectaculaire ont donné une importance démesurée à quelques débordements marginaux ou sont tombés dans la démagogie facile (ne serait-il pas plus utile de manifester contre le chômage ?).

Bataille de chiffres

Le 13 janvier, le chiffre de la préfecture (340 000 manifestants) m'a paru, au vu des photos comparées de divers rassemblements au Champ de Mars, grossièrement sous-estimé et donc falsifié.

Le 24 mars, les organisateurs ont annoncé 1 400 000 manifestants (décompte ci-contre).
J'étais avenue Foch de 15h15 à 16h15. Les 156 000 m² correspondent bien à ce qu'indique wikipedia : 1300m de long, 120m de large. Mais cette largeur inclue les jardins et les allées latérales. Seule la chaussée centrale (20m) était remplie, et seulement sur la moitié la plus proche de l'Étoile.
Cela donne 700m x 20m x 2,4 = 33 600 manifestants au lieu de 390 000 ! On peut doubler pour tenir compte des personnes qui comme moi ne sont restées qu'une heure, cela fait quand même 6 fois moins que 390 000.
La même exagération semble se retrouver ailleurs, avec une densité invraisemblable de 5 personnes par m² avenue de la Grande Armée.
La préfecture explique, photos aériennes floues à l'appui, un décompte de 300 000 manifestants. Ce qui reste énorme.

Le 21 avril, les chiffres respectifs sont de 45 000 et 270 000.
L'itinéraire, de Denfert aux Invalides, fait 3000 mètres. La marche a commencé à 14h30. J'ai quitté Denfert à 16h avec les derniers pour arriver aux Invalides à 18h.
Un cortège cheminant à 1500 mètres à l'heure pendant 1h30 (16h - 14h30) a une longueur de 2250 mètres, soit 45000 m² occupés en comptant 20 mètres de large.
Une densité moyenne de 1 personne par m² me semble vraisemblable, elle correspond à l'estimation de la préfecture. Le chiffre des organisateurs correspondrait à 6 personnes par m² !

Manifestation du 21 avril...

Contre vents et marées, les organisateurs maintiennent le cap : s'exprimer, mais dans la non-violence.

Il y a eu moins de manifestants. Comment aurait-il pu en être autrement : c'est la 4ème grande manifestation, elle n'a été décidée que 3 jours à l'avance, elle se limitait aux parisiens. Dire que le mouvement s'essouffle est tendancieux.
Il y avait aussi une proportion plus grande de politiques et d'intégristes. Leur donner la vedette est un moyen facile pour décrédibiliser le mouvement.
L'effoyable niveau de décibels rendait quasi impossible de converser avec son voisin. Un comble, alors que je voudrais davantage de réflexion et de dialogue !

Comme en première lecture à l'assemblée nationale, les sénateurs et les députés ont quasi tous suivi la consigne de leur parti. A droite comme à gauche. Est-ce cela, la liberté de conscience ? la démocratie ?

...Et du 26 mai

3 cortèges calmes ont convergé vers les Invalides. Vers 20h, des extrémistes ont sévi : la non-violence n'ayant pas réussi, ne reste-t-il pas que la violence ?

Montpellier, 29 mai 2013

Les images du premier mariage gay m'ont attristé et mis mal à l'aise.
Que dire, qui ne soit pas un jugement sur Vincent et Bruno ? Je ne connais ni leur histoire, ni leurs sentiments.
Qui suis-je aussi pour parler ? S'il s'était agi de deux femmes, des instincts de prédateur voyeur auraient pu surgir : le fantasme d'en croquer deux !

Je pensais me taire, mais voilà la Parole qui jaillit : le loup habitera avec l'agneau (Is 11,16). Cette image exprime la promesse qui nous est faite et que réalise le rameau sorti de la souche de Jessé.

Les images de Vincent et Bruno s'embrassant me font penser à deux loups gentils l'un avec l'autre.

Par contre, l'image d'une femme qui se donne à son mari peut évoquer l'agneau qui se donne au loup. Celui-ci est alors invité à passer de l'instinct de possession ou du marchandage donnant-donnant à la joie de recevoir.
Ces deux époux sont signes d'une lente transformation qui mène de la peur à la relation confiante, du "prendre" au "donner", du "donner" au "recevoir".
Leur amour "Eros" s'enrichit d'une dimension "Philos" pour arriver, par la grâce, à "l'Agapé" céleste.
Par eux, l'Alliance du ciel et de la terre se donne à voir.

Les enfants de Vincent et Bruno, s'ils en ont, n'auront pas la chance d'habiter avec l’icône d'un loup et d'un agneau.
On m'objectera qu'il y a de l'agneau en tout homme et du loup en toute femme. C'est vrai, mais je sens venir la suite : nous sommes tous égaux, tous semblables... L'icône de l'alliance dans la différence est niée. L'homme laïc est prié de ne pas montrer qu'il est créé à l'image de Dieu.

Pour La Fontaine, le loup l'emporte et puis le mange, et c'est fini. Pour un chrétien, l'agneau qui meurt ressuscite et permet au loup qui l'a mangé d'entrer à son tour dans la vie éternelle.
La loi mortifère dénaturant le mariage a été promulguée. Que faire ?
Montrer ses crocs ? Ce serait devenir un loup avec les loups.
Comme Pierre, alors que nous sommes tentés de sortir l'épée, écoutons le Christ ; je vous envoie comme des agneaux dans le milieu des loups (Lc 10,3). Lui l'a vécu au point de se donner lui-même en nourriture...

Nous sommes en train de vivre un passage. La morale familiale était imposée par la société et l'état de la science. Et voilà que ces contraintes disparaissent, que tous les possibles s'offrent à nous.
L'avenir n'est peut-être plus dans une loi qui nous protège de nous-mêmes, qui nous oblige et oblige les autres à rester dans ce que nous pensons être le droit chemin.
Tout est grâce, disait Bernanos. C'est le moment d'y croire sans voir.