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MàJ 5 septembre 2014

L'adoption, "bonne nouvelle" de l'Évangile ?
La Sainte Famille, modèle de situations familiales variées ?
Réaction à des propos de Michel Serres (La Croix du 11 octobre 2012)

Les propos de Michel Serres (voir La Croix du 11 octobre 2012 ou la version pdf) sont embarrassants. A partir des conditions étranges de la naissance de Jésus, il sous-entend (me semble-t-il) que l'Église devrait remettre en cause le modèle familial qu'elle défend pour s'ouvrir, au nom de l'amour et de la modernité, à toutes les décompositions recompositions. Et notamment à l'adoption par des couples homosexuels. L'adoption (étymologiquement : choix) serait une meilleure voie pour aimer que les liens du sang.
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Michel Serres n'est pas exégète, il est philosophe. Il dit aux chrétiens : soyez conséquents. Si vous croyez à cette histoire de conception de Jésus par l'Esprit-Saint et de naissance virginale, admettez la relativité de la fonction de père et mère biologiques. Le raisonnement semble imparable.

L'erreur est dans la manière même de comprendre la Bible. Celle-ci ne nous raconte pas des histoires du passé comme le ferait un journaliste ou un historien. Elle raconte l'histoire de l'Alliance entre Dieu et les hommes, pour nous permettre de rentrer à notre tour dans cette Alliance. Le philosophe athée ne se voit que comme un animal intelligent. Il est terrestre, le "ciel" n'existe pas. L'Alliance du ciel et de la terre lui est étrangère

Dans l'anthropologie chrétienne, l'homme est créé à l'image de Dieu, il est aussi divin. Comme toute la Bible, l'histoire de la sainte famille ne peut se comprendre que peu à peu, au fur et à mesure de la croissance du germe divin qui est en chacun de nous. La Bible est nourriture pour ce germe. Nous sommes invités à la mastiquer, la ruminer, la méditer, la manger, la digérer, avec ce qu'elle a d'amer ou de doux.

Livre de Philippe Lefebvre sur Marie
Un exemple : deux livres de Philippe Lefebvre (dominicain) appréhendent
les textes évoquant Marie et Joseph à la lumière de l'Ancien Testament.

Les évangiles de Matthieu (annonciation à Joseph) et de Luc (annonciation à Marie) ont été écrits plus de 80 ans après la naissance de Jésus. Ils sont le fruit de la méditation et de la prière des chrétiens du 1er siècle. Entrer dans le sens profond de ces évangiles, c'est comme passer d'un constat matériel (le tombeau vide) à la foi en la résurrection. C'est une conversion, un retournement. Le paysage reste le même, mais tout a changé.

La conception de Jésus reste étrange. Mais ne me dit-elle pas quelques chose de la présence divine en chacun de nous ? La mise au monde de Jésus est étrange. Ma vocation n'est-elle pas, comme Marie, de mettre au monde Jésus (Dieu amour) ? Et cet enfant, fruit de mes entrailles, je suis invité à lui donner non pas mon nom, mais celui de Jésus. Le mystère de Joseph pourrait bien être celui de la double paternité, terrestre et céleste, de tout être humain.
Dieu, le tout Autre, ne se saisit pas par la raison. Il se révèle, il se donne. Mes pensées ne sont pas ses pensées. Je suis une créature en gestation qui reçoit tout.

Alors, l'adoption ne peut plus être comprise comme le choix d'aimer qui je veux. De même que l'accueil d'un enfant biologique, elle est un oui à une rencontre qui me dépasse, l'accueil d'un autre différent, l'amour fidèle au-delà des attirances passagères.
Le mariage entre deux personnes de sexes différents est un signe (pour l'Église : un sacrement) de l'Alliance entre l'humanité et le Tout Autre. Il s'agit de s'aimer les uns les autres, et non pas les uns les uns.
Ceci serait-il un rejet des homosexuels ? Mais non, au contraire ! Ressentant une attirance sexuelle différente de la majorité, ils sont ces autres que nous sommes invités à aimer. Ceci dit, le contraire de l'amour serait de nier leur altérité. C'est le risque grave d'une confusion entre le mariage et les unions qu'ils peuvent souhaiter contracter. L'égalité n'est pas l'uniformité.

Ceci dit, la Parole résonne en chacun de manière particulière. Elle ne peut pas être brandie dans un combat idéologique ou politique. Voir un point de vue favorable au "mariage pour tous" exprimé sur le site "La Cour Dieu" où Philippe Lefebvre est très présent.

Regle

Il est des textes bibliques qui bousculent encore plus la famille.
Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa propre maison. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera [Mt 10,34-39].
Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. [Lc 12,51-53].


Comment comprendre ? Le livre du philosophe chrétien Michel Henry "Paroles du Christ" apporte un bel éclairage. En voir mon commentaire (deux pages).

Paroles du Christ

Regle

Notre société change rapidement. Beaucoup ne savent plus rien de la religion. En matière familiale et éthique, les lois s'écartent de plus en plus de la morale chrétienne. Sous couvert de défendre la liberté, l'État laïc défend le droit d'errer sans but au gré de ses envies.

Certains chrétiens voudraient restaurer un minimum de culture et de morale religieuses : imposer des béquilles à celui qui n'en veut plus. C'est un combat perdu d'avance et une illusion. Le salut ne peut venir que de Dieu, présent en chacun.

Avec d'autres, je défends l'idée d'un revenu de base inconditionnel. Ce revenu serait individuel. Pour moi, pour des raisons pratiques (simplicité), il devrait aller de pair avec une individualisation totale de notre système socio-fiscal. Au plan financier, les couples et les familles seraient globalement plutôt gagnants. Mais au plan symbolique, ce serait lourd de conséquences. Les chrétiens pourraient-ils donner l'image de celui qui donne sa vie, plutôt que de celui qui défend ses intérêts, ses idées ?