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8 novembre 2012

Le dessin méditatif, témoignage

Le dessin méditatif est une des "thérapies initiatiques" proposées par K. G. Dürckheim.

Un atelier de dessin méditatif en petit groupe (jusqu'à 8 personnes) se déroule, après une mise en condition corporelle (exercices de détente), en deux temps :

Lâcher-prise

Les premières fois, je m'imaginais le résultat, espérant qu'il soit beau. Il a fallu du temps pour que mon mental laisse faire les mains.

Et puis j'ai réalisé que je dessinais toujours de la main droite. C'est bien normal, je suis droitier !
J'ai essayé de confier une craie à cette main gauche maladroite. Ce faisant, j'ai pris conscience de son existence. Car jusque-là, elle n'avait le droit que de se taire, de seconder la droite.
Une main gauche fragile mais douce s'est peu à peu révélée, dans le dessin et dans ma vie. Un côté féminin, artistique, créatif.
Le changement ne m'a pas concerné seul. Je me suis ouvert à des personnes "gauches", qui me paraissaient faibles mais chez qui je découvrais d'autres richesses que l'efficacité et la logique.

Bourreau ou victime ?

Au centre Assise en 2008, durant la semaine sainte, j'ai participé à des ateliers de dessin méditatif. Voici un des premiers et un des derniers dessins, et ce que j'ai écrit quelques jours après sur cette expérience.
Jeudi saint
Samedi saint

Je me croyais calme, et voici qu'apparaissent la violence, la brutalité.
De la terre, au centre, un germe pousse, discret, invisible. À droite, les coups pleuvent sur lui. La gauche frappe aussi, mais comme à regret, obligée qu'elle est de suivre la droite redoutable. Le ciel est barré. Je pense à la flagellation.
Et cette évidence tout à coup : je suis à la fois le bourreau et la victime !

Pour approfondir, j'ai choisi de rester à l'atelier de dessin le vendredi et le samedi – et bien sûr, le travail intérieur s'est poursuivi les jours suivants.

Pourquoi me frappes-tu ? (Jn 18,23) Question dangereuse, qui risque d'exacerber la fureur. Mais non, le bourreau écoute.
Il repense à son cheminement. Des années durant, il avait essayé de "changer le monde"... ses bonnes idées étaient restées stériles. Il avait alors modifié son objectif pour essayer de se changer lui-même, avec un certain succès. La peur avait reculé. Il avait découvert son côté gauche, féminin, que sa droite écrasait. La joie extérieure, liée aux "réussites" visibles, devenait de plus en plus fade ; il avait fait de la joie intérieure son repère de justesse ; elle tardait à venir cependant, ce qui faisait monter son impatience, sa droite fouettait de nouveau pour qu'il avance... sans résultat : la joie reculait davantage !

Malgré les ratés, malgré les coups reçus, le germe avait poussé. De lui venait maintenant la force de regarder en face cette réalité : "je suis mon propre bourreau", et d'affronter la question : pourquoi ?
Pourquoi la peur face à tout imprévu ? Pourquoi la peur de l'échec ? Cette peur qui me fait courir pour tout prévoir, organiser, maîtriser ; qui se transforme en rage quand je n'y parviens pas.
Pourquoi cette culpabilité quand je ne "fais" rien, quand je "perds" mon temps ? Pourquoi cette difficulté à admirer, à recevoir ?
Pourquoi ces refus quand j'entends une voix intérieure juste ? Je sais pourtant que je fais mon malheur si je ne la suis pas !

Il y a en moi comme une joyeuse impatience de plonger dans ce genre de questions – dans mon enfer. Vivement que se manifestent la peur, la rage, la culpabilité, les refus : la victime pourra alors se mettre à l'écoute du bourreau, le comprendre, l'aimer.
Ce chemin passe par le vendredi saint, mais déjà droite et gauche sont unies, le ciel est ouvert : le dessin du samedi me confirme que la résurrection est là, que le germe est vainqueur !

Viens, suis-moi

Je pensais que cette appel n'est adressé qu'à ceux qui ont atteint un certain niveau de perfection, qui savent "tout quitter". Ainsi, Jésus dit au riche : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » (Mt 19,21).

Je comprends aujourd'hui que c'est le riche qui veut être parfait. Comme "pour les hommes, c'est impossible" (Mt 19,26), il reste enfermé dans une culpabilité mortifère.
Jésus sait qu'il va au calvaire, et que sur ce chemin, pas même Saint Pierre n'est capable d'une fidélité sans faille. L'appel "suis-moi" est sans condition, pour tous. Y compris pour ceux qui, comme le riche, ne se reconnaissent pas (beaucoup) pécheurs.

La foule de ceux qui suivent Jésus est composée d'amis et d'ennemis, de disciples, de soldats, d'hésitants. De bourreaux et de victimes. Même celui qui entend "J'ai soif" ne peut offrir au crucifié qu'une éponge de vinaigre (Jn 19,28-30).
Ultime stupéfaction : c'est la trahison de Judas qui permet la résurrection et notre salut !

Le chemin de croix est notre chemin de vie. La bonne nouvelle, c'est que la résurrection est déjà présente dans les souffrances infligées et subies. Non pas que je puisse distinguer les unes des autres : faux sentiments de culpabilité et orgueil de me croire "bien" brouillent les cartes. Mais inextricablement mêlées, elles sont des occasions de pardons et permettent à l'amour de se manifester.

Mystique et mystère

Le dessin méditatif vise l'unité de l'être :