"N'ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes..." Cette phrase de Jean-Paul II au tout début de son pontificat a marqué. La peur ne serait-elle pas notre plus grand mal-être ?
Ouvrir, sortir... alors que la peur pousse au repli sur soi. Comment y arriver ? Peut-on espérer un jour vivre sans peur, ou faut-il se contenter d'un objectif plus limité : qu'elle ne stérilise pas (pas trop) notre vie ?
Il ne suffit pas de vouloir, de nier la peur ou de se raisonner pour qu'elle disparaisse.
Il ne suffit pas d'en supprimer les causes (apparentes). Si j'ai peur de manquer, je garderai cette peur en devenant riche.
Il ne suffit pas, pour s'en guérir, de chercher dans l'inconscient ses racines (dans l'enfance...).
Il est des pratiquants assidus de la Bible ou du zazen qui gardent la peur au ventre. Des cauchemars continuent à les assaillir.
Alors ? Alors ?
Il me semble que le chemin est de plonger là où la peur est la plus grande. Même la Bible et le zazen peuvent être une fuite.
Aller vers ce que j'ai tendance à fuir,
ce peut être l'attention à mes sensations. Je croyais la peur maîtrisée, mais mon corps me dit que non. Ma respiration est courte, mon ventre noué...
ce peut être les souvenirs que je ne veux pas revisiter, ou l'avenir auquel je ne veux pas réfléchir ;
ce peut être un blocage vis à vis des chiffres. Mon cerveau se bloque quand je reçois un relevé bancaire ou une facture ;
ce peut être ce que je reporte à plus tard, un coup de téléphone à passer ou une lettre à écrire que je diffère.
Alors, la Bible, le zazen ou d'autres voies spirituelles ne seront plus une fuite, mais une aide. J'y puiserai la force d'affronter mes démons intérieurs et les fantômes extérieurs.
La peur pourrait bien être non pas un mal, mais un symptôme, un signal, une indication pour m'orienter vers la Vie.
Les peurs collectives
Tant que nous n'aurons pas affronté ensemble nos plus grandes peurs, nous ne pourrons pas sortir de la crise.
La peur de l'autre, qui nous fait dépenser des sommes invraisemblables en sur-armement.
La peur de l'autre, que nous combattons dans des guerres économiques fratricides avec les armes de la compétitivité, de la concurrence à mort. Le libre-échange, c'est la loi du plus fort... jusqu'à ce qu'un encore plus fort le fasse périr.
La peur de manquer, qui nous conduit à abuser du taux d'intérêt exponentiel. Les épargnants s'enrichissent toujours plus aux dépens des endettés... jusqu'à tout perdre eux-mêmes quand ceux-ci deviennent insolvables !
La peur du vide, qui nous plonge dans l'activisme, la croissance sans fin soutenue par la publicité, les activités marchandes inutiles ou nuisibles... jusqu'à détruire la planète.