Le mystère de l'homme qu'une rencontre avec Jésus rend triste aurait-il un rapport avec la passion ? Regardons les versets 21 à 23 attentivement.
Le verbe attrister n'est employé qu'une seule autre fois par Marc, à Gethsémani : Mon âme (ψυχή / psyché) est triste à mourir. [Mc 14,34]. Coïncidence ou correspondance signifiante ?
Le verbe devenir sombre (στυγνάζω), très rare dans la Bible (absent du pentateuque et des psaumes), commence par les lettres sigma et tau, comme le mot croix (σταυρός).
Les mots traduits par biens (κτῆμα) puis richesses (χρῆμα) sont étranges. Ils sont rares dans la Bible (absents du pentateuque et des psaumes), légèrement différents dans leur forme et complètement synonymes. Pourquoi Marc les a-t-il choisis ?
Matthieu utilise une fois le premier et Luc une fois le second dans les phrases équivalentes du même passage, ce sont les seules autres occurrences des quatre évangiles.
Le second commence par les lettres khi et rho comme le mot Christ (Χριστός – remarquons au passage que ce mot contient aussi les lettres sigma et tau !). Ces deux lettres forment un "chrisme", symbole iconographique courant évoquant le Christ.
Dans le premier, le khi est devenu un kappa... et le rho est devenu un tau qui évoque à nouveau la croix.
Enfin, la traduction Darby ajoute une précision au verset 21. Au lieu de "tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi", elle dit : "tu auras un trésor dans le ciel, et viens, suis-moi, ayant chargé la croix". Cet ajout non retenu par les autres traductions vient sans doute d'un manuscrit particulier. Par rapport à notre recherche, il fait sens.
Cet ensemble de coïncidences m'amène à croire, dans la foi, que la rencontre avec Jésus est pour l'homme riche un plongeaon dans la mort avec lui, c'est à dire un baptême. Il participe à la passion du Christ. Cette passion est au cœur de ses biens (κτῆμα). Il donne ses biens, comme Jésus donne sa vie (ψυχή / psyché). C'est un arrachement qui le rend sombre, triste au niveau de sa psyché. Il suit le Christ sur son chemin de croix, mais il ne le sait pas encore. Il est aveugle. Il ne reconnaît pas la joie de la vie (ζωη / Zoé) éternelle, cette vie qu'il demandait et qui grandit maintenant en lui.
Comment se poursuivra son chemin ?
Dépouillé de tout, l'aveugle pourrait bien devenir mendiant. Assis au bord de la route qui mène à Jérusalem, il entend Jésus qui passe. Il crie, Jésus l'appelle. Il bondit en laissant le peu qui lui reste, son manteau. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! ». L’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.
Si Marc ne nous a pas révélé le nom de l'homme riche, c'est peut-être pour nous laisser croire que son nom est Bartimée, le "fils de l'impur". [Mc 10,46-52]