Le discours habituel est simpliste : la dépense publique est plus forte en France qu'ailleurs, il faut la réduire pour diminuer le taux de prélèvements.
Il y a deux sujets distincts :L'objectif n'est pas de réduire le taux de prélèvement, mais d'améliorer le rapport qualité / prix des services rendus aux citoyens.
Les chiffres sont délicats à interpréter. Il semble que les dépenses publiques et les dépenses de l'État stricto sensu aient augmenté de 1960 à 1993, puis aient diminué. Cette évolution irrégulière permet d'étayer le point de vue que l'on souhaite ! Les chiffres n'ont pas de sens sans examiner par exemple les changements d'assiette (privatisations et nationalisations),
EDF était une société nationale florissante pilotée par des ingénieurs compétents. Sa privatisation est artificielle : le réseau de distribution est unique, les grosses centrales ont un monopole de fait. Le pouvoir est passé entre les mains des financiers et des politiques. Des investissements désastreux à l'étranger (achat au prix fort de centrales nucléaires pourries en Angleterre...) et le soutien à des sources d'énergie soi-disant écologiques l'ont mise en situation de faillite de fait. La hausse des tarifs de l'électricité va forcément s'accélérer.
La SNCF, incapable de revenir sur les avantages sociaux acquis du temps des locomotives à charbon, voyait se dégrader à la fois le service rendu (grèves, pannes) et sa situation financière. Un montage artificiel et complexe a donné la propriété des infrastructures à Réseau Ferré de France... qui en sous-traite l'entretien à la SNCF ! Au final, sa dette continue d'augmenter, mais elle n'entre pas dans celle prise en compte par Bruxelles.
La proportion des retraités augmentant, des mesures ont été prises pour réduire les montants versés. Mais rien n'a été fait pour rationaliser une gestion inepte et onéreuse, basée sur une multiplicité de régimes et de caisses, et une compensation entre les caisses.
La sécurité sociale coûte de plus en plus cher. On a rendu obligatoires les mutuelles ou assurances privées : ces cotisations ne rentrent pas dans le "taux de prélèvement" de l'État. L'usager paye maintenant non seulement la santé, mais des frais de gestion doublés, les frais commerciaux et les bénéfices de ces 500 mutuelles. Les nombreuses petites dépenses de santé font l'objet de répartitions entre l'usager, la SS et la mutuelle, pour des remboursements minimes et illisibles.
La privatisation des banques les a transformées en machines à faire du profit : spéculation, tarifs élevés, produits financiers incompréhensibles pour les clients, amendes colossales pour irrégulatités, salaires et primes de certains atteignant des sommets. Tout cela aux dépens du bien commun, puisque l'État assume en cas de problème (Crédit Lyonnais en 2003, Dexia en 2008 et 2011...).
Les collectivités locales ne cessent pas d'augmenter leurs dépenses, en particulier de personnels. La durée du travail y est inférieure à 35 heures (voir le rapport annuel de la Cour des Comptes). La coordination entre les multiples niveaux est un casse-tête qui demande beaucoup de moyens. Les réorganisations (Établissements Publics de Coopération Intercommunale, nouvelles régions) ne génèrent aucune économie.
Rationaliser une organisation est un travail de longue haleine (je l'ai vécu à France Telecom) que les politiques ne sont pas à même de mener.
Chaque grève d'un service public, insupportable pour les usagers, fait passer l'idée que privatiser est un moindre mal. Les grévistes en sont-ils conscients ?
Ce graphique est clair. Les recettes annuelles cumulées ne représentent que la moitié d'une dette qui atteindra 3000 milliards fin 2022. Dans chaque domaine (État, collectivités locales, santé, retraites...), on peine à atteindre l'équilibre. Réduire les dépenses et augmenter les recettes ne peut, au mieux, que limiter les déficits.
Mais augmenter les impôts, c'est faire baisser les investissements et la consommation, et donc la croissance, et donc l'assiette des impôts... Conscientes de ce cercle vicieux, les banques centrales en viennent fin 2016 à accepter l'augmentation des déficits et des dettes... c'est à dire de l'épargne... Les inégalités augmentent... jusqu'à l'explosion ?
Que va-t-il se passer ? Les créanciers vont-ils accepter encore longtemps de prêter à des débiteurs notoirement insolvables ? N'y a-t-il pas d'autre solution que de jeter l'éponge ?